Salween Peace Park et son leader assassiné, Saw O Moo, offrent une alternative populaire au développement destructeur imposé en Birmanie / Myanmar

Salween Peace Park et son leader assassiné, Saw O Moo, offrent une alternative populaire au développement destructeur imposé en Birmanie / Myanmar

Le Parc de la Paix de Salween (SPP) est un territoire préservé de 5 485 km2 situé dans le bassin de la rivière Salween, une région de grande importance pour la biodiversité mondiale en Birmanie/Myanmar. Son peuple autochtone Karen a proclamé sa volonté de réaliser ses trois aspirations fondamentales : la paix et l’autodétermination, l’intégrité environnementale et la survie culturelle. Dans une région qui a souffert de plus de 60 ans de guerre civile, le SPP a pour objectif de créer la paix et de protéger un fief de la culture Karen et de la biodiversité contre les anciennes et les nouvelles menaces. Enraciné dans les systèmes de gouvernance et de gestion coutumiers Karen, le SPP représente une alternative issue de la base aux plans de développement destructeurs imposés par le gouvernement du Myanmar et les sociétés étrangères alliées. Il recherche la justice sociale et environnementale, la démocratie délibérative, la garantie des droits collectifs à la terre, un modèle de développement écologiquement durable et la préservation de la nature et de la culture afin de préserver l’avenir des générations futures.

Le SPP doit faire preuve d’une bonne gouvernance démocratique des ressources naturelles au niveau local. Au lieu de grandes exploitations minières et de plantations de caoutchouc, il œuvre pour la gestion durable des forêts existantes par le biais de l’agroforesterie, de l’agriculture biologique et de l’écotourisme. A d’imposants barrages sur la rivière Salween, il préfère des sources d’énergie décentralisées et gérées par la base. Au lieu de mégaprojets risquant de raviver la guerre, il cherche une paix durable pour un écosystème prospère où les gens vivent bien en harmonie avec la diversité biologique.

D’importance cruciale, le SPP est fait pour préserver un écosystème clé dans l’un des hot spots de la biodiversité en Indo-Birmanie, où des espèces rares telles que les tigres, les gibbons et les grands calaos prospèrent encore dans la jungle dense. La conservation de ces riches environnements doit cependant rester fidèle aux habitudes du peuple autochtone Karen, conformément aux règles et pratiques coutumières des générations précédentes. En fait, le SPP devrait également contribuer à  revitaliser la culture Karen, qui a été mise à mal depuis que l’armée birmane a pris le contrôle du pays au milieu du XXe siècle. Les traditions des Karen autochtones sont intimement liées à la terre et il n’existe pas de meilleur protecteur des forêts, des rivières et des ressources naturelles que le peuple Karen lui-même.

La vision qui préside au SPP a été élaborée par les communautés locales en partenariat avec l’Union Nationale Karen (KNU) à l’issue de vastes consultations communautaires comprenant même un référendum sur la Charte sur la gouvernance et la gestion du SPP.

Un événement majeur a été organisé en décembre 2018 pour fêter l’inauguration du SPP, soulignant la vision locale d’un avenir démocratique, pacifique et durable allant à l’encontre de l’occupation systématique des territoires autochtones et de l’exploitation centralisée des ressources naturelles. À cette même occasion, le prix Paul K. Feyerabend 2018 «Un monde solidaire est possible» a été remis au Salween Peace Park. Il est aussi dédié à la mémoire de Saw O Moo, défenseur engagé de la terre, de la paix et des droits des peuples autochtones.

Le 5 avril 2018, Saw O Moo se rendait de chez lui, dans les plaines de Ler Mu Plaw, à une réunion communautaire au centre communautaire de Luthaw Paw Day, à plus d’une heure de moto. Cette réunion avait pour but d’organiser l’assistance humanitaire aux villageois déplacés de force par les attaques récentes et en cours de l’armée birmane dans la région. Saw O Moo n’a jamais atteint sa destination, car il a été tué par balle en cours de route par l’armée birmane. Les autorités ont confirmé sa mort mais n’ont jamais rendu son corps, empêchant sa famille – y compris son épouse, Naw Paw Tha, et leurs 7 jeunes enfants, déplacés de Ler Mu Plaw le 4 mars 2018 – d’accomplir leurs rites funéraires.

Saw O Moo est né en 1975 dans la cabane de ses parents, située sur la terre de T’Ri Plaw, dans la région de Ler Mu Plaw. Depuis 2006, il travaillait en tant que partenaire communautaire local avec le Karen Environmental and Social Action Network. On se souviendra de lui pour son engagement passionné d’une vie entière pour la préservation des traditions culturelles Karen, la promotion de la gestion coutumière des terres et la direction des travaux visant à conserver certains des derniers habitats de forêt ancienne et d’espèces en voie de disparition encore intacts en Birmanie. Saw O Moo était l’un des dirigeants communautaires les plus actifs du Salween Peace Parc. Il était membre du comité du Parc et croyait fermement en sa vision pour la paix, la conservation de la biodiversité et la préservation culturelle. «Pour nous, peuples autochtones, le Salween Peace Parc représente nos désirs et nos besoins les plus profonds», a-t-il déclaré à la foule lors d’une réunion de consultation publique tenue en décembre 2017.

En effet, le Salween Peace Parc offre une vision audacieuse au peuple Karen : un défi pacifique aux actes brutaux de l’armée birmane et à son mépris pour la vie des villageois, et un symbole de solidarité et d’inspiration pour les communautés, la société civile et les organisations politiques ethniques du pays à une époque d’instabilité politique permanente et d’appels généralisés à des réformes démocratiques. Ce n’est qu’armé de telles visions que le peuple autochtone Karen de Birmanie pourra supporter la terrible tragédie de la mort de Saw O Moo et de tant d’autres… Le combat de Saw O Moo pour construire la paix et pour la protection des terres ancestrales restera un héritage vivant pour le Salween Peace Park.